photographie en noir et blanc de Jesse Owens courant
Histoire

L’athlète Jesse Owens

Lutter contre la pauvreté et l'intolérance raciale par le succès sportif

Ou comment Jesse Owens a affronté Jim Crow et Hitler dans le milieu du sport

par
Marijke Everts (s'ouvre dans une nouvelle fenêtre) (Europeana Foundation)

L'athlète Jesse Owens atteint des sommets internationaux en établissant le record du monde de saut en longueur, qui restera inégalé pendant 25 ans. Les quatre médailles d’or qu’il a remportées aux Jeux Olympiques de Berlin, sous le régime nazi, lui ont valu de nombreux fans allemands, en adoration. Sa victoire, ainsi que celles d’autres athlètes afro-américains, a remis en question la propagande nazie sur la supériorité aryenne.

photographie en couleur en gros plan de Jesse Owens, torse nu et portant un short blanc. L’arrière-plan de l’image est vert.

Les premières années de la vie de Jesse Owens

Jesse Owens est né le 12 septembre 1913 à Oakville, en Alabama, sous le nom de James Cleveland Owens. Quand il avait neuf ans, sa famille déménagea à Cleveland, dans l’Ohio, à une époque où plus d’un million d’Afro-Américains ont quitté le Sud ségrégationniste pour de meilleures opportunités, dans ce que l’on appelle la Grande Migration.

On l'appelait JC jusqu'à ce que son professeur, en lui demandant son nom, pense avoir entendu Jesse à cause de son accent du Sud. Ce nom lui collera à la peau pour le reste de sa vie.

Owens réalisa qu’il avait une passion pour la course et attira d'abord l’attention nationale alors qu’il fréquentait l’East Technical High School de Cleveland. En 1933, il participa au National High School Championship (littéralement, le championnat national des lycées) à Chicago. Il égale alors le record du monde du sprint de 100 yards (91 m) en 9,4 secondes et atteignit 24 pieds 9 pouces (7,56 mètres) au saut en longueur.

Lors de ses études à l’Ohio State University, avec le coach Larry Snyder, il remporta huit championnats de la National Collegiate Athletic Association.

Malgré ses succès, il devait vivre à l’extérieur du campus, manger dans les restaurants réservés aux Noirs et, lorsqu’il voyageait avec son équipe, ne pouvait séjourner que dans les hôtels également réservés aux Noirs. Il continuait à travailler à temps partiel pour financer ses études, car il ne pouvait bénéficier d'aucune bourse d'études pour l'athlétisme, ce sport n'étant pas très reconnu en dépit de ses résultats.

Photographie en noir et blanc de deux athlètes afro-américains posant durant la compétition : Jesse Owens et Ralph Metcalfe

En 1935, Owens établit trois records du monde : pour le saut en longueur, le sprint de 220 yards (201,2 m) et le 220 yards haies. Il a également égalé un record du monde au 100 yards (91,4 m).

À l’approche des Jeux olympiques de 1936

En 1931, le Comité international attribua les Jeux olympiques d’été de 1936 à Berlin. Mais Hitler arrive au pouvoir, en 1933, en instituant des politiques antisémites et en remilitarisant le gouvernement.

Le sport et les Jeux olympiques sont alors utilisés par le gouvernement nazi dans sa campagne de propagande visant à promouvoir la race aryenne.

Affiche officielle des Jeux olympiques de Berlin en 1936. Un buste en or d'un homme portant une couronne de laurier surplombe le sommet de la Porte de Brandebourg, les anneaux olympiques sont en haut de l'affiche.

En 1935, aux États-Unis, des groupes d’athlètes font pression pour un boycott des Jeux de Berlin. D’éminents athlètes juifs américains et d’autres pays souhaitaient boycotter les Jeux olympiques pour protester contre l’oppression des Juifs par les nazis.

Owens a été amené par la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) à déclarer que l'Amérique devait se retirer des Jeux olympiques de 1936 en raison de la discrimination à l'égard des minorités, mais il est dit que lui et d'autres ont finalement décidé de participer aux Jeux à cause du président du Comité olympique américain qui aurait qualifié les opposants d'« agitateurs anti-américains ». Certaines sources affirment également qu’ils voulaient prouver que les athlètes noirs n’étaient pas inférieurs et qu’ils pensaient qu’il était hypocrite de boycotter compte tenu des politiques discriminatoires de l’Amérique.

Photographie en noir et blanc du stade olympique de Berlin.

Berlin, 1936

Une fois en Allemagne, Adi Dassler, le fondateur d’Adidas, a convaincu Owens de porter ses chaussures, réalisant ainsi le premier contrat publicitaire pour un athlète masculin afro-américain.

À Berlin, l’Allemagne possédait la plus grande équipe nationale et a remporté la plupart des médailles. Les Américains, en revanche, ont dominé les épreuves d'athlétisme.

photographie en noir et blanc de Jesse Owens sautant en longueur devant un stade bondé

Jesse Owens devint la star des Jeux olympiques de Berlin avec quatre médailles d’or.

Il égala le record du monde du 100 mètres en 10,3 secondes et battit les records du monde du 200 mètres en 20,7 secondes et du saut en longueur avec environ 8 mètres. Il est applaudi par la foule majoritairement allemande et se lie d’amitié avec Luz Long, le sauteur en longueur allemand et médaillé d’argent.

Photographie en noir et blanc, Jesse Owens et Luz Long parlent ensemble en marchant dans le stade. Jesse Owens tient le bras de Luz Long.

Avec Owens, 17 autres athlètes afro-américains faisaient partie de l’équipe américaine. Hitler avait félicité les vainqueurs le premier jour des Jeux olympiques, mais il est parti peu de temps après que les Afro-Américains, David Albritton et Cornelius Johnson, aient remporté l’épreuve de saut en hauteur.

En raison de cet incident, les organisateurs ont demandé à Hitler de féliciter tous les vainqueurs ou aucun. Il choisit alors de ne plus féliciter personne, mais rencontrait secrètement les vainqueurs allemands.

Alors que les athlètes afro-américains ont remporté 14 médailles au total (8 en or, 4 en argent et 2 en bronze), aucun n’a reçu autant de reconnaissance que Jesse Owens.

Il était plus facile de raconter l'histoire d'un seul Afro-Américain puisqu'il représentait une anomalie. Mais 18, pour les journaux de l'époque de Jim Crow, c'était beaucoup trop à rapporter.

Deborah Riley Draper (traduction libre)

Photographie en noir et blanc de Jesse Owens assis dans le stade parmi d'autres athlètes blancs.

Owens, ainsi que les autres athlètes afro-américains, ont défié la propagande que le régime nazi voulait vendre pendant les Jeux olympiques sur la supériorité aryenne, et ont ainsi été qualifiés de primitifs au physique plus fort « que celui des Blancs civilisés, et qui devraient donc être exclus des futurs Jeux », a écrit le ministre nazi Albert Speer sur les réflexions de Hitler.

Ironiquement, Jesse Owens et ses coéquipiers afro-américains ont été autorisés à voyager et à séjourner dans le même hôtel que les athlètes blancs en Allemagne, alors qu’aux États-Unis, ils n’en avaient pas le droit.

Photographie en noir et blanc de Jesse Owens, en costume élégant, sur les marches d'un train saluant avec son chapeau.

Après les Jeux Olympiques

Après la fin des Jeux, l’équipe olympique a été invitée à concourir en Suède, mais Owens décida de poursuivre le gain financier en retournant aux États-Unis pour accepter des offres de publicité.

Il a continué à subir des discriminations tout au long de sa carrière d'athlète, devant travailler pour payer ses études sans avoir accès aux bourses. Alors, lorsqu’il a été mis face à des opportunités de sponsor, il les a naturellement saisies. Cela a irrité les autorités sportives américaines qui lui ont retiré son statut d'amateur, mettant instantanément fin à sa carrière.

Owens est rentré aux États-Unis avec le statut de star internationale, mais il a eu du mal à trouver du travail. Il lui est interdit de participer à des événements sportifs amateurs pour préserver son image et les contrats commerciaux disparaissent. Quelques-uns de ses coéquipiers afro-américains sont entrés dans le monde universitaire ou ont exercé des fonctions électives, mais beaucoup d'entre eux ont eu du mal à s'assurer une carrière stable à leur retour. Par exemple, le médaillé d’argent Mack Robinson utilisa une fois sa veste olympique pour se réchauffer alors qu’il travaillait comme balayeur de rue.

Dans les années 1950, Owens commença à travailler dans les relations publiques et a parcouru le pays et l'étranger pour faire des apparitions lors d'événements publics.

Photographie en noir et blanc de Jesse Owens en costume blanc, interviewé par des journalistes.

Lorsqu’il décéda en 1980 d’un cancer des poumons à l’âge de 66 ans, le président américain Jimmy Carter lui rendit hommage ainsi : « Peut-être qu’aucun athlète n’a mieux symbolisé que lui la lutte humaine contre la tyrannie, la pauvreté et l'intolérance raciale » (traduction libre).

Jesse Owens, ainsi que les 17 athlètes afro-américains, dont deux femmes, ont affronté à la fois Jim Crow et Hitler dans le milieu sportif. Ils ont défié les stéréotypes, inspirant les futurs olympiens noirs. Leurs victoires, ainsi que le débat sur le boycott, ont attiré l’attention sur la discrimination raciale dans le sport.


Ce blog fait partie du projet Europeana Sport qui met en valeur les trésors culturels liés au patrimoine sportif en Europe.


Traduction : Nolwenn Gouault